Les tontons flingueurs  

J'étais content de revoir Fernand mais je ne suis pas le seul. Je lui ai d'ailleurs dit que « le Mexicain commençait à avoir des impatiences ».

Il est resté comme deux ronds de flan quand je lui ai dit « Je décambute bêtement et je laisse une mouchette à la traîne, Patricia, c'est d'elle que je voudrais que tu t'occupes ».

J'ai du expliquer au patron que « ce n'est pas que la clientèle boude, c'est qu'elle a l'esprit ailleurs. Le furtif, par exemple, a complètement disparu, et l'affectueux du dimanche aussi ».

J'ai déposé le boss chez le Mexicain, une baraque « achetée en viager à un procureur à la retraite. Après 3 mois l'accident bête... Une affaire  !  ».

M. Fernand, quand je lui ai dit « Your room is ready sir » j'ai bien vu qu'il entravait que dalle.

Le dabe ne m'a pas à la bonne, c'est sûr, mais je vous assure « qu'il va le regretter son char Patton ».

Je m'attendais à du grabuge mais j'ai joué la surprise, style : « Enchanté, mais qu'est-ce que c'était que cette fusillade  ? On ne se serait pas permis de vous flinguer sur le domaine  !  »

Moi la parlotte ce n'est pas mon truc, je vais à l'essentiel  : j'agis. « Je suis tout de même 1ère gâchette chez les Volfoni ».

C'est tout comme mon pote Bastien, je ne desserre pas les dents. En même temps, faut dire que depuis le coup d'assommoir délivré par M. Fernand je suis aux abonnés inconscients.

J'ai brusqué Patricia quand je lui ai dit « L'homme de la pampa parfois rude reste toujours courtois mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu ».

Pour calmer tonton Fernand j'ai eu le culot de lui dire « Le bacho sans relations, c'est la charrue sans les bœufs, le tenon sans la mortaise, bref, une nièce sans son petit oncle ».

Et moi d'ajouter « Vos opinions sur la musique moderne et l'art en général je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoires ».

On a fini par se retrouver autour d'une table et on a bu un alcool qui « date du Mexicain, du temps des grandes heures, mais on a du arrêter la fabrication, y'a des clients qui devenaient aveugles ».

Il fallait discuter tranquillement. « Au fond, maintenant les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d'action. L'époque serait aux tables rondes et à la détente ».

Détente tu parles  ! « En pleine paix il chante et puis PAF, un bourre-pif  ! Mais moi les dingues je les soigne. Moi, quand on m'en fait trop j'correctionne plus  : j'dynamite, j'disperse, j'ventile ».

M. Fernand mène les choses rondement. « Ce n'est pas pour me déplaire, j'aime l'action, l'initiative ; quand j'étais jeune, je jouais au hockey sur gazon ».

Il a dit : « Le dialoguiste qui n'écrit pas pour les acteurs est un imbécile. S'il n'exige pas de connaître les interprètes des 5 principaux rôles, il ne connaît pas son métier".

Mon film a failli ne jamais exister, aucun producteur ne croyait en la réussite de ce projet. Il aurait pu également s'appeler autrement, le dialoguiste ayant pensé à "Fol terminus des prétentieux".